Facteur 4 : le défi écologique est-il trop grand pour le monde ?
“Facteur 4” désigne un impératif écologique et climatique pour les pays qui, comme la France, doivent diviser par quatre leurs rejets de gaz à effets de serre d’ici 2050. L’objectif ? Limiter la hausse de la température moyenne sur Terre à 2°C pour la fin du XXIe siècle. Les politiques mondiales oeuvrent en ce sens depuis l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto en 2005, mais la publication de compte-rendus en demi-teinte comme celui du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) en avril 2017 jettent le doute.
Des incertitudes persistantes
Quel niveau d’engagement pour qui ?
La première des incertitudes concerne le déficit d’engagement de certains pays, notamment les États-Unis qui, bien que deuxième plus gros pollueur du monde, s’est retiré de L’Accord de Paris sur le climat, conclu en 2015. La désertion du géant américain souligne les importantes disparités d’un pays à l’autre en matière d’émissions de GES.
Par exemple, d’après les données du Key World Energy Statistics, un Français a émis en 2014 près de 5,1 tonnes de CO2 pour les seules émissions liées à la combustion d'énergie, lorsqu’un Allemand en a émis 9,2 t et un Américain 16,1 t. Le facteur de réduction varie donc d’un pays à l’autre, selon le volume des émissions à réduire, et cette différence donne l’impression aux pays les plus émetteurs d’être les plus pénalisés et freinés dans leur économie.
Du côté des pays en cours de développement, on revendique un droit à la croissance égal à celui dont a profité la Triade (Amérique du Nord, Union Européenne et Asie orientale,) lorsqu’elle polluait sans garde-fou avant le Protocole de Kyoto. La Chine de Xi Jinping a annoncé en 2018 une phase de développement économique entre 2020-2035, suivie d’une entrée dans “l’ère des services” pour l’horizon 2050. Ces dates impliquant une activité chinoise intense concordent ironiquement avec les grands paliers écologiques des politiques européennes et mondiales pour la réduction des émissions de GES. Comment le premier pollueur au monde conciliera-t-il ses ambitions et l’urgence climatique ?
Science et technique au service du Facteur 4
D’autres incertitudes sont d’ordre scientifique : les conséquences précises des augmentations de température d’ici 2100 ne sont pas prédites par les modèles disponibles ; elles pourraient donc être plus graves qu’escomptées. Du côté technologique, les techniques de production d’énergies décarbonées sont certes intensément développées mais la question de leur stockage attend encore des réponses innovantes et pérennes.
Pourquoi l’optimisme est permis ?
Un regard critique sur la disparité des politiques internationales
En dépit de ces incertitudes, les experts du rapport 2013 du Conseil général de l'environnement et du développement durable incitaient à un optimisme toujours d’actualité en 2018. Si les Etats-Unis boudent les politiques de réduction d’émissions de GES, cela n’empêche pas certaines de ses grandes villes de s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique. Aujourd’hui, Los Angeles recycle 80% de ses déchets lorsque le reste du pays ne le fait qu’à 34%. L’Allemagne, première puissance économique européenne, démontre également qu’il est possible d’amorcer une transition.
D’après le commissariat général à la stratégie France Stratégie, même si l’Allemagne doit aujourd’hui revoir ses ambitions de 2011, les énergies renouvelables comptent pour un tiers de sa production d'électricité en 2017.
Une transition écologique mondiale inéluctable
L’optimisme est également permis car l’économie mondiale intègre progressivement la contrainte des réductions d’émissions, et estime que les technologies futures seront économes en carbone ; tout pays souhaitant demeurer dans la compétition économique internationale ne peut se tenir à l’écart de cette dynamique.
Pourquoi une telle assurance ? Des statistiques alarmantes pour les grandes entreprises du globe tombent depuis 2017. Carbone 4, un cabinet de conseil spécialisé sur la transition énergétique, se base sur un scénario à + 4°C en 2100 et prévoit que 19 % des multinationales courent un risque élevé d’exposition aux aléas climatiques majeurs (températures, canicules, sécheresses, fréquence et intensité des précipitations, hausse du niveau de la mer, ouragans). Les industries manufacturières, le secteur des utilities (eau et électricité), la chimie, l’agro-alimentaire et les transports sont les pôles les plus menacés. A défaut de se découvrir une conscience écologique, les poids lourds de l’économie mondiale les plus réticents aux efforts de décarbonage tenteront de protéger leurs intérêts, sur le long voire moyen terme.
Ainsi, qu’elle naisse d’un véritable désir de préserver notre planète ou d’une réponse pragmatique à l’urgence climatique, la politique environnementale des États tentera d’année en année d’avancer efficacement vers l’échéance 2050.